Auteur: Lulu (217.167.151.---) Date: 15/08/2005
20:32
Je souhaite apporter ici des informations qui me
semblent plus que nécessaires, surtout après avoir lu la teneur des
précédents messages… Etant moi-même, par les femmes, un très
lointain descendant de la famille BAILLIENCOURT DIT COURCOL, je me
suis donc penché de très près sur le cas de cette famille. Mes
recherches ont été riches d’enseignements.
Je vous propose de
vous faire part du résultat de ces recherches par le biais d’un jeu
de 12 questions-réponses qui vous permettra, je l’espère, d’y voir
plus clair. Toutes les informations qui suivent sont prouvées et ont
été démontrées par les meilleurs spécialistes de l’histoire de la
noblesse. Ces informations ne souffrent donc absolument d’aucune
contestation.
1°) Concernant les BAILLIENCOURT DIT
COURCOL, quels sont les ancêtres les plus lointains qu’on leur
connaisse ?
La généalogie prouvée des BAILLIENCOURT DIT
COURCOL, famille originaire d’Artois, ne remonte pas au-delà du
milieu du 14ème siècle !
En effet les généalogistes ont pu
remonter (non sans incertitudes sur certaines dates) jusqu’à Baudoin
COURCOL, qui se serait marié vers 1340 avec Marie de RICAMETZ. De
cette union naquit entre autres Jacques COURCOL, marié vers 1370
avec Barbe de BEAUFFORT. De ceux-ci naquit notamment Pierre
COURCOL (né vers 1380). Il fut bailli et il s’est marié vers 1410
avec Marguerite de GOUY. De cette union naquit à son tour Jean
COURCOL, qui serait né vers 1410 et décédé vers 1490. Bourgeois
d’Arras, il était seigneur de St-Bertin-en-Blairville et il s’est
marié avec Marguerite de LA COURONNE. De cette union naquirent
cinq fils : Robert COURCOL (décédé vers 1496), Colart COURCOL (né
vers 1430), Jacques COURCOL (signalé vivant en 1516), Jeannet
(décédé vers 1499), Jean COURCOL (né vers 1440 et décédé vers 1501).
Ce dernier, seigneur de St-Martin-en-Blairville, s’est marié avec
Jeanne de BEAUFFORT. De ceux-ci naquit Philippe COURCOL (né vers
1472 et décédé vers 1533) qui fut bourgeois d’Arras et capitaine au
château de Beauffort. Il s’est marié avec Jeanne GREGOIRE. De
cette dernière union sont issus Pierre COURCOL (né vers 1500) et
Pasquier COURCOL (né vers 1520).
C’est de ce Pasquier COURCOL
que descendent 98% des BAILLIENCOURT DIT COURCOL subsistant
aujourd’hui en France. La descendance de Pierre subsiste elle aussi
mais elle est actuellement en voie d’extinction.
Toutes les
recherches pour remonter au-delà de Baudoin COURCOL sont restées à
ce jour totalement vaines. Aucun document filiatif écrit ne permet
d’aller au-delà du 14ème siècle. Certains « généalogistes » amateurs
s’efforcent de remonter avant 1340 mais leurs résultats ne reposent
que sur des coïncidences, des conjectures, des spéculations que rien
de sérieux ne vient démontrer. Certains arbres généalogiques publiés
dans des ouvrages ou sur Internet (Geneanet par exemple.) ne sont
pas exempts d’aberrations. Ainsi dans l’arbre généalogique
consultable sur www , on lit que le prétendu père de Baudoin
COURCOL, Louis, serait né vers 1350, qu’il se serait marié vers
1380, alors même que son propre fils Baudoin se serait marié vers
1340… On y lit aussi que ce même Baudoin COURCOL serait mort en 1452
: autrement dit si on suppose qu’il avait 20 ans en se mariant en
1340, il avait donc environ 132 ans en 1452… D’autres «
généalogistes » font naître Baudoin en 1350 ou 1392…
Bref,
tous les travaux tentant de faire remonter les COURCOL jusqu’au
10ème siècle sont purement fantaisistes. La date limite de nos
connaissances c’est 1340, rien de plus.
2°) Mais les
BAILLIENCOURT DIT COURCOL actuels ne sont-ils pas descendants de la
famille noble des LANDAS/BAILLIENCOURT (ou BAILLESCOURT), dont le
nom est cité dès 976 ?
Tout cela n’est que pure légende !
Il n’existe absolument aucune preuve de cette parenté avec
l’illustre famille des LANDAS/BAILLIENCOURT. Aucun acte de filiation
écrit ne corrobore une telle assertion. Or, en matière de généalogie
et de droit nobiliaire, seuls comptent les actes filiatifs écrits
authentiques. Et ces actes prouvant le lien entre les LANDAS du
10ème siècle et les COURCOL du 14ème siècle n’existent pas, ou plus
précisément n’ont jamais existé.
Si ces actes avaient
vraiment existé, ils auraient fait de la famille BAILLIENCOURT DIT
COURCOL, au 18ème siècle, l’une des familles nobles les plus
anciennes et les plus illustres de France ! Plus ancienne et plus
illustre, par exemple, que les ROCHECHOUART-MORTEMART (980), les
GRAMONT (1003), les LA ROCHEFOUCAULD (1019), les CAUMONT LA FORCE
(1040), les MONTESQUIOU-FEZENSAC (1050), les CHOISEUL-PRASLIN
(1060), ou encore les CLERMONT-TONNERRE (1080). Excusez du peu ! Ces
illustres familles constituent aujourd’hui des exemples extrêmement
rares de familles nobles remontant de manière prouvée au 11ème
siècle et, exceptés les MONTESQUIOU-FEZENSAC, elles sont toutes des
maisons ducales ! Alors, dire que les modestes BAILLIENCOURT DIT
COURCOL, dont personne n’a jamais entendu parler à la cour du Roi,
sont « de plus ancienne et plus illustre race » que toutes ces
familles, c’est vraiment vouloir rejouer la fable de la grenouille
qui voulait se faire plus grosse que le bœuf…
En outre, si
vraiment les BAILLENCOURT DIT COURCOL remontaient à 976 comme ils le
prétendent, ils auraient dû logiquement être admis aux Honneurs de
la Cour. Les Honneurs de la Cour, créés en 1715, étaient un
privilège accordé aux familles nobles dont la filiation noble
prouvée devait remonter avant 1400. Etre admis aux honneurs de la
Cour donnait la possibilité aux hommes de participer à une chasse
avec le Roi et de monter dans son carrosse, et aux femmes d’être
présentées à la Reine… Au total, près de 900 familles nobles
françaises et étrangères, prouvant leur noblesse avant 1400, furent
ainsi admis aux Honneurs de la Cour entre 1715 et 1789. Or jamais
les représentants de la famille BAILLIENCOURT DIT COURCOL n’y furent
admis. Cela démontre sans ambiguïté possible que les BAILLIENCOURT
DIT COURCOL ne sont aucunement issus d’un soi-disant cadet de
l’illustre famille noble des LANDAS du 10ème siècle.
Il n’y
a donc aucun lien de parenté entre les familles LANDAS/BAILLIENCOURT
d’un côté et BAILLIENCOURT DIT COURCOL de l’autre. Ce sont deux
familles parfaitement distinctes.
Pour terminer sur ce point,
disons que la pratique qui consiste à s’inventer une généalogie
illustre, remontant très loin dans le temps, est une pratique
courante au Moyen Age et sous l’Ancien Régime. Toutes les familles
nobles, mêmes les plus connues, se sont inventées une généalogie
remontant bien au-delà de ce qu’elles pouvaient prouver. Certaines
se disant descendantes de Charlemagne ou Clovis, quand ce n’était
pas de Ramsès II ou de Cléopâtre ! D’autres, plus modestes, se
rattachaient à un valeureux croisé imaginaire… Les rois de France
eux-mêmes s’affirmaient descendants tantôt de David roi d’Israël,
tantôt des Troyens de l’Antiquité… Certaines familles nobles
versaient même dans le fantastique : la célèbre famille des LUSIGNAN
par exemple affirmait être issue de la fée Mélusine… D’autres
familles se rattachaient au roi Arthur ou au chevalier Lancelot,
personnages imaginaires comme on sait. Bref, en se rattachant aux
LANDAS/BAILLIENCOURT, les BAILLIENCOURT DIT COURCOL n’ont fait que
ce que nombre de familles (nobles ou bourgeoises) faisaient à
l’époque : le rattachement arbitraire à une famille plus ancienne
encore, dans le but de s’attribuer un surcroît d’honneur, de
prestige et de reconnaissance.
Concernant ces rattachements
abusifs, on lira le « Cahier noir » de Charondas (réédité en 1999)
qui donnent des dizaines d’exemples de familles subsistantes, et de
fausse noblesse, s’attribuant sans vergogne des ancêtres nobles
prestigieux. C’est à la fois risible et consternant dans la mesure
où plusieurs de ces familles ont fini par s’auto-persuader de leurs
« illustres » origines…
3°) Comment se fait-il que
les BAILLIENCOURT DIT COURCOL portent les armoiries de la famille
LANDAS s’ils n’en sont pas issus ? N’est-ce pas là justement une
preuve d’un lien entre les deux familles ?
Là aussi, les
BAILLIENCOURT DIT COURCOL ont fait ce que certaines familles au
Moyen Age et sous l’Ancien Régime ont pratiqué sans scrupule :
l’usurpation d’armoiries.
Mais expliquons ici comment cela
s’est réellement passé. C’est vers la fin du 14ème siècle ou au
début du 15ème siècle que la famille COURCOL, qui ne s’appelait pas
encore à l’époque BAILLIENCOURT DIT COURCOL, a acheté une petite
terre en Artois, la terre de Bailliencourt. Une terre dont les
COURCOL sont donc devenus les nouveaux seigneurs. Or cette terre de
Bailliencourt avait jadis appartenu à l’une des branches de la
famille des LANDAS/BAILLIENCOURT, et ce depuis la fin du 10ème
siècle jusqu’au 13ème ou 14ème siècle. Date à laquelle cette terre
quitta la famille des LANDAS et fut revendue. Les COURCOL, nouveaux
propriétaires, se sont alors crus autorisés à relever les armes et
le cri d’armes des LANDAS/BAILLIENCOURT, les anciens propriétaires.
Tout simplement.
Notons que cette pratique, comme nous
l’avons dit, n’a rien d’exceptionnel à l’époque. De multiples
exemples nous le montrent d’ailleurs encore aujourd’hui. Ainsi, on
citera le cas de deux familles, toujours subsistantes : JACQUELOT du
BOISROUVRAY et JACQUELOT de CHANTEMERLE de VILLETTE. La première est
d’authentique noblesse (1553), la seconde n’a jamais été noble. Il
n’existe en outre strictement aucun lien de parenté entre ces deux
familles. Et pourtant ces deux familles portent aujourd’hui
exactement les mêmes armes ! Ce qui s’est passé est fort simple :
sous l’Ancien Régime, la famille JACQUELOT de CHANTEMERLE de
VILLETTE, non noble, profitant d’une homonymie, s’est rattachée
illégitimement à la famille JACQUELOT du BOISROUVRAY. Pour renforcer
l’illusion, elle lui a même emprunté ses armes. Une homonymie, des
armes identiques : c’était là un moyen simple et efficace pour se
faire passer comme noble… Tellement efficace que le bailliage de
Moulins, en 1789, n’y a vu que du feu et a convoqué les JACQUELOT de
CHANTEMERLE de VILLETTE, comme toutes les autres familles nobles du
bailliage, devant la commission de vérification des preuves de
noblesse, en vue de l’élection des représentants de la noblesse aux
états généraux ! Mais comme cette famille savait qu’elle n’était pas
noble, qu’elle n’avait aucune preuve à présenter, elle préféra
prudemment ne pas se rendre devant la commission, de peur que la
vérité n’éclate publiquement… Précisons également que l’ANF
elle-même s’est faite « piéger » en acceptant en son sein en 1935
cette famille de fausse noblesse. Ce n’est que dans les années 1950
que le pot aux roses fut découvert ! (Voir à ce sujet l’intéressante
mise au point de Régis Valette dans « Un juge d’armes au Jockey Club
» de Charondas, réédité en 2000).
Une identité d’armes n’a
donc jamais constitué une preuve décisive d’appartenance à une même
famille (tout au plus une présomption), et encore moins une preuve
de noblesse. Aux 17ème et 18ème siècles, les Intendants de province,
les Juges d’armes et autres Généalogistes des ordre du Roi, chargés
de faire la chasse aux faux nobles, savaient d’ailleurs parfaitement
à quoi s’en tenir. Le laxisme, pour ne pas dire l’anarchie qui
régnait dans le port des armoiries a même contraint Louis XIV à
sévir et à signer l’édit du 28 novembre 1696, obligeant toute
personne, ville, corporation, université, etc., à déclarer et faire
enregistrer officiellement ses armes à l’Armorial général, ceci afin
« de retrancher les abus qui s’étaient glissés dans le port des
armoiries » (selon les termes de l’édit). Abus parmi lesquels se
trouvait l’usurpation d’armes. Malheureusement, cet édit n’eut pas
totalement l’efficacité escomptée…
Mais revenons aux
BAILLIENCOURT DIT COURCOL. Il est clair que cette famille a relevé
indûment les armes des LANDAS/BAILLIENCOURT, ceci afin d’entretenir
l’illusion que les COURCOL étaient descendants de l’illustre famille
des hauts sires des LANDAS. Au passage, ils ont également relevé
leur cri d’armes « Landas ! ».
4°) Qu’en est-il de
l’origine du surnom « COURCOL » qui aurait été attribué à un
chevalier de BAILLIENCOURT lors d’une bataille ? Et qui est à
l’origine de leur devise « Fut par vertu Courcol » ?
Nous
sommes là encore en pleine légende !
En réalité, les COURCOL
se sont toujours appelés COURCOL ! C’est là leur véritable
patronyme. C’est celui qu’ils portaient au 14ème siècle, comme le
prouve les archives. Ça n’a jamais été un surnom !!!
Mais
examinons de plus près cette légende. Celle-ci ne se fonde que sur
quelques rares textes.
L’un de ces textes est une
déclaration de Jean de VAUX (lequel a épousé une BAILLIENCOURT DIT
COURCOL) datée de mai 1619 : « Je, Jean de Vaux, notaire de ceste
ville, certifie à tous qu’il appartiendra avoir vu les originales
des copies scy devant narré, et copié par le command. du sr.
BAILLENCOURT exhibens d’icelles comme aussi deux attestations, l’ung
du ducq Philippe le Bon, l’autre du ducq Charles de Bourgogne,
servant à l’honneur de ceulx du surnom de Baillencourt, données par
lesditz ducqs, pour leurs haults faicts, comme appert assez
clairement par le manuscrit de Ascanius, historiographe du temps de
Philippe le Bon, qui donna à Baudouyn de BAILLENCOURT le surnom de
COURCOL pour sa vertu […] ».
Quel était donc le contenu
précis de ces attestations signées par les ducs de Bourgogne et dont
Jean de VAUX certifie avoir vu les originaux ? C’est un autre texte,
également une copie, qui nous l’explique : « La présente journée
nous avons fait assez cognoistre la vertu, valeur et courage de
Bauduin de BAILLIENCOURT, capitaine de chevaux-légers de notre
Armée, lequel a remis la victoire en nos mains, par la réparation et
recouvrement de nostre grand étendart fracassé et en main de notre
contraire, que pour jeune qu’il était et de petite corpulence, qui
nous l’a fait nommer COURCOL, […] en notre camp proche d’Abbeville,
l’an de notre rédemption 1419. » Signé Philippe.
Tels sont
donc les principaux éléments sur lesquels se fondent aujourd’hui
encore les BAILLIENCOURT DIT COURCOL pour expliquer l’origine du nom
COURCOL. C’est donc Baudoin de BAILLIENCOURT, lors d’une
bataille près d’Abbeville en 1419, qui aurait été surnommé « COURCOL
» par le duc de Bourgogne Philippe le Bon, après avoir ramassé
l’étendard de ce dernier. Et ceci en raison de sa petite corpulence
(Courcol = col court).
L’ennui c’est que ces textes prouvent
involontairement que toute cette histoire n’est que légende ! En
effet, le Baudoin dont il est question ici ne peut être que celui
qui s’est marié en 1340 avec Marie de RICAMETZ. Ce ne peut être que
lui car aucun autre membre de cette famille ne porte un tel prénom
au cours des 14ème et 15ème siècles. Or si on suppose que Baudoin
avait 20 ans en se mariant en 1340, il aurait donc eu 99 ans en
1419… On imagine mal un tel vieillard combattre en armure et à
cheval ! Qui plus est, le texte de l’attestation signée par Philippe
le Bon nous dit que Baudoin était « jeune » ! Bref, la belle
histoire s’écroule sous nos yeux… Précisons par ailleurs que les
unités de cavalerie de « chevaux-légers » n’existaient pas encore au
Moyen Age… Précisons encore que les textes qui nous rapportent
cette belle légende ne datent que du 17ème siècle donc bien après
les événements cités. Précisons surtout que l’on ne possède
aucun original des attestations des ducs de Bourgogne. Nous n’avons
que des copies, écrites elles aussi bien après les événements… Comme
par hasard ! Enfin précisons, et c’est là le plus savoureux, que
le nom de COURCOL était déjà porté dans différents actes civils au
cours de la seconde moitié du 14ème siècle, donc bien avant
1419…
Bref, nous sommes en présence d’une très belle fable.
Il n’y a jamais eu de Baudoin de BAILLIENCOURT ayant combattu en
1419, ni à aucune autre époque. Il n’y a jamais eu d’attestation du
duc de Bourgogne, lequel n’a jamais rencontré un chevalier de
BAILLIENCOURT. Mais alors d’où vient le nom de COURCOL ? C’est tout
simplement le patronyme que cette famille a TOUJOURS porté. Ça n’a
jamais été un surnom.
Les BAILLIENCOURT DIT COURCOL actuels
(quelques uns du moins) sont conscients de toutes les aberrations
que nous avons soulignées. Mais ils ne veulent pas en démordre pour
autant. Pour eux, cette bataille durant laquelle leur ancêtre aurait
été surnommé « COURCOL » doit forcément avoir eu lieu. Si ce n’est
pas en 1419 c’est donc avant ! Certains pensent à la bataille de
Crécy de 1346. D’autres à la célèbre bataille de Bouvines de 1214.
L’ennui c’est que les partisans de ces nouvelles théories sont
incapables de les prouver, et de citer le nom du chevalier qui
aurait participé à l’une ou l’autre de ces batailles. Mais surtout
il y a quelque chose d’incompréhensible : si c’était à la bataille
de Bouvines, alors pourquoi les BAILLIENCOURT DIT COURCOL des 17ème
et 18ème siècles n’en ont-ils pas gardé le souvenir ? Pourquoi
n’ont-ils retenu que la date de 1419, ainsi que les noms de Philippe
le Bon et de Baudoin qui vécut dans la seconde moitié du 14ème
siècle ? Pourquoi n’ont-ils pas retenu le nom de la bataille de
Bouvines, pourtant l’une des plus célèbres batailles gagnées par le
roi de France au Moyen Age et dont il est, de ce fait, facile de se
rappeler ? Pourquoi n’ont-ils pas conservé le souvenir précis du
prénom du chevalier qui reçut le surnom « si glorieux » de COURCOL
durant cette bataille de Bouvines ? Et si c’est vraiment de la
bataille de Bouvines de 1214 qu’il s’agit, alors pourquoi a-t-il
fallu attendre l’an 1340 pour que le surnom « si glorieux » de
COURCOL fasse enfin son apparition dans des actes écrits, soit près
de 130 après Bouvines ? Pourquoi ce surnom « si glorieux » n’est-il
pas mentionné dès 1215 ou 1216 dans les archives ? Pourquoi ce
surnom « si glorieux » n’est-il même JAMAIS mentionné dans toutes
les archives écrites concernant la famille LANDAS /BAILLIENCOURT
durant tout le 13ème siècle ?
Tout simplement parce que ces
faits n’ont jamais existé et qu’il s’agit d’une légende, une légende
qui a pris progressivement forme seulement aux 15ème et 16ème
siècles.
5°) Quel était l’intérêt d’inventer cette
légende ?
Nous avons vu précédemment que les COURCOL avaient
usurpé les armes et le cri d’armes des LANDAS/BAILLIENCOURT après
avoir acheté la terre de Bailliencourt, une ancienne possession des
LANDAS/BAILLIENCOURT. Le but était, pour les COURCOL, de se
rattacher au souvenir d’une illustre famille d’Artois et ainsi de
renforcer leur prestige aux yeux des autres familles nobles de
l’Artois.
Mais cela n’était pas suffisant. Il ne suffisait
pas d’avoir acheté la terre de Bailliencourt. Il ne suffisait pas
d’avoir repris les armes des LANDAS/BAILLIENCOURT, les anciens
propriétaires. Il fallait aussi leur reprendre leur propre nom ! En
effet, comment faire croire au commun des mortels que l’on est
descendant des LANDAS/BAILLIENCOURT quand on s’appelle simplement et
modestement COURCOL ? Et c’est là que la famille COURCOL eut l’idée
géniale d’inventer cette légende. Grâce à cette légende, les COURCOL
devinrent « de BAILLIENCOURT ». Ils se mirent à prétendre que « de
BAILLIENCOURT » était leur vrai nom, et que le nom de COURCOL
n’était en fait qu’un surnom « glorieux », reçu lors d’une épique
bataille… De patronyme initial, « COURCOL » devint surnom. Et « de
BAILLIENCOURT », qui n’était initialement que le nom de la terre
qu’ils venaient d’acheter et qui avait appartenu jadis aux
LANDAS/BAILLIENCOURT, devint leur nouveau patronyme. Ainsi les
obscurs COURCOL devinrent les glorieux BAILLIENCOURT DIT COURCOL.
Ainsi l’illusion devenait-elle parfaite : les COURCOL étaient
devenus, aux yeux des naïfs, les descendants des
LANDAS/BAILLIENCOURT !
Encore une fois répétons-le, le
patronyme primitif de cette famille est bien COURCOL, tout court.
Ils n’ont commencé à s’appeler BAILLIENCOURT DIT COURCOL que bien
après avoir acheté la terre de Bailliencourt, fin 14ème ou début
15ème siècle. Encore faut-il souligner que cela n’a pas été sans
mal. Certains représentants de cette famille ont continué pendant
longtemps, jusqu’au début du 17ème siècle, à s’appeler COURCOL tout
court.
6°) Les BAILLIENCOURT DIT COURCOL ont-ils été
nobles ?
Sur ce point il n’y a absolument aucun doute : les
BAILLIENCOURT DIT COURCOL faisaient bel et bien partie, à une
certaine époque, de la noblesse.
Mais contrairement à la
légende, cette noblesse ne vient pas des LANDAS/BAILLENCOURT
puisqu’ils n’en sont pas descendants. Les BAILLIENCOURT DIT COURCOL
sont entrés dans l’ordre de la noblesse au cours du 16ème siècle (de
manière sûre et certaine) et peut-être même dès le 15ème siècle. Ils
sont entrés dans la noblesse « par agrégation ». C’était à l’époque
le processus le plus courant pour devenir noble. Les COURCOL du
14ème siècle n’étaient encore que des braves bourgeois. Puis à
partir du 15ème siècle, ils ont commencé une lente ascension
sociale, sont devenus propriétaires de plusieurs fiefs. Leur mode de
vie aisé, leurs richesses accumulées, leur notoriété, leurs
alliances avec d’autres familles nobles, ont fini par les faire
assimiler à la noblesse. C’est ce que l’on appelle l’anoblissement
par agrégation. Cette agrégation à la noblesse a été clairement
reconnue par un arrêt rendu par le Conseil des Elus d’Artois, une
cour souveraine, le 15 octobre 1588. Précisons que l’anoblissement
par agrégation (par le mode de vie) a été définitivement supprimé
sous Louis XIV dans la seconde moitié du 17ème siècle.
Mais
entrer dans la noblesse est une chose. S’y maintenir en est une
autre ! Comme le précise l’arrêt de 1588, la noblesse des COURCOL
est reconnue « si longtemps qu’ils ne feront acte ou exercice
dérogeant ». Autrement dit, tout noble peut retomber dans la roture
s’il fait dérogeance.
7°) Qu’est ce que la dérogeance
?
La dérogeance c’est un mode de vie incompatible avec celui
de la noblesse. Cela veut dire pratiquer des activités
professionnelles jugées « ignobles », non nobles, indignes du rang
de noble. Par exemple le commerce de détail (boutiques, enseignes,
étalages), l’hôtellerie, le prêt à intérêt. Egalement ignoble est
jugé l’exercice de tous les métiers manuels (y compris à un poste de
direction), l’exploitation agricole à ferme pour autrui. Egalement
dérogeant : l’exercice des charges de base telles que notaire,
procureur, sergent, huissier et greffier des petites juridictions.
Ou encore la domesticité, etc. Tout noble qui serait contraint, pour
survivre financièrement, de pratiquer ces métiers retomberait
immédiatement dans la roture. A l’inverse, le commerce de gros et le
commerce maritime, la direction d’industries métallurgiques,
d’industrie de verrerie et des mines sont exceptionnellement admis.
Le principe de dérogeance ne concerne que la période d’Ancien Régime
et il a été supprimé par la Révolution. Et quand Louis XVIII a
restauré la noblesse en 1814, il n’a cependant pas rétabli le
principe de dérogeance. Ce qui fait qu’à partir de 1814, toutes les
familles nobles d’Ancien Régime ont pu désormais exercer tous les
métiers, mêmes les plus vils, sans risque de retomber dans la
roture.
Par ailleurs, l’omission des titres (comte, vicomte,
baron) ou des qualifications nobiliaires (chevalier, écuyer) dans
les actes officiels est également considérée comme un acte de
dérogeance. Rappelons que, sous l’Ancien Régime, tous les nobles ne
sont pas forcément titrés, c’est-à-dire que tous ne sont pas comtes
ou barons par exemple. Un très grand nombre ne porte pas de titres
tout en faisant cependant partie de la noblesse et en bénéficiant de
ses privilèges. Pour les nobles qui ne portent pas de titres, il y a
la qualification d’écuyer. Cette qualification est strictement
réservée aux nobles. Elle est par exemple employée dans tous les
actes écrits que pourrait signer un noble (registres paroissiaux,
actes notariés, etc.).
Or toute la question est de savoir si
les BAILLIENCOURT DIT COURCOL ont maintenu, au cours des 16ème,
17ème et 18ème siècles, leur position dans la noblesse, s’il n’ont
pas dérogé dans la roture en pratiquant une activité professionnelle
incompatible avec leur rang de noble. L’étude attentive de la
généalogie des BAILLIENCOURT DIT COURCOL et de leurs activités
professionnelles montre que certaines branches de cette famille sont
restées nobles mais que d’autres branches ont bel et bien dérogé
dans la roture.
8°) Quelles sont les branches qui
sont restées nobles ?
Nous avons vu que Jean COURCOL
(1410-1490) avait eu avec Marguerite de LA COURONNE plusieurs
enfants dont cinq fils : Robert, Colart, Jeannet, Jacques et Jean.
Le plus simple est d’étudier chacune des descendances de ces cinq
fils.
A) Branche de Robert COURCOL, décédé vers 1496. Sa
descendance mâle se poursuit sur 7 générations. Il donne naissance à
Pierre et Jean qui sont à l’origine de deux branches
indiscutablement nobles. La branche aînée, celle de Pierre,
s’éteint dès 1602 dans les mâles. Ceux-ci occupaient des charges
relevant de la noblesse de robe. Ils étaient donc nobles. La
branche cadette, celle de Jean, est la plus illustre de toutes. Elle
a donné plusieurs barons d’Antigny, vicomtes d’Harlebecque, vicomtes
de Wittres, du 16ème siècle au 18ème siècle. L’un d’entre eux,
Charles François BAILLIENCOURT DIT COURCOL (1670-1736) est fait
comte le 4 mars 1721 par l’empereur d’Autriche Charles VI, alors
souverain des Pays-Bas. Cette branche s’éteint finalement en
1779.
B) Branche de Colart COURCOL, né vers 1430. Sa
descendance mâle se poursuit sur 7 générations. Dans presque tous
les cas, les hommes se disent écuyer. L’un d’entre eux, Alexandre de
BAILLIENCOURT DIT COURCOL (1623-1691), conseiller d’Etat, est fait
chevalier le 20 avril 1666 par le roi d’Espagne Philippe IV, alors
souverain des Pays-Bas. Tous ces éléments laissent donc penser que
cette branche s’est effectivement maintenue noble jusqu’à son
extinction en 1745.
C) Branche de Jeannet COURCOL, décédé
vers 1499. Sa descendance mâle se poursuit sur 10 générations. Ses
représentants successifs portent la qualification d’écuyer. Deux
d’entre eux, Nicolas puis son fils Gabriel, furent procureurs au
Conseil d’Artois, la plus haute cour de la province, dans la seconde
moitié du 16ème siècle. Deux siècles plus tard un de leurs
descendants, Joseph de BAILLIENCOURT DIT COURCOL, obtient une
attestation de noblesse délivrée par ce même Conseil d’Artois le 23
janvier 1775. On peut donc dire que cette branche s’est
effectivement maintenue dans la noblesse jusqu’à la Révolution.
Cette branche s’éteint finalement dans les mâles vers le milieu du
19ème siècle.
D) Branche de Jacques COURCOL. Il a un fils,
Jehan (1501-1561) qui se dit écuyer et qui est gentilhomme et
pannetier de l’Empereur Charles Quint. Etant donné la charge qu’il
occupe, on peut donc penser qu’il est effectivement noble. Jehan
n’aura que des filles. Cette branche s’éteint donc en
1561.
En conclusion, on peut donc dire que sur les cinq fils,
quatre ont eu une descendance qui, dès le 16ème siècle, s’est
effectivement maintenue dans la noblesse et cela jusqu’au 18ème
siècle. Ce fait est indiscutable. Mais malheureusement toutes ces
descendances ont fini par s’éteindre. La dernière s’éteint vers le
milieu du 19ème siècle. A cette date, il n’y a donc plus aucun
BAILLIENCOURT DIT COURCOL membre de la noblesse. Ce fait est lui
aussi indiscutable.
9°) Mais qu’en est-il de la
descendance du cinquième frère, Jean COURCOL ?
C’est
justement cette branche-là, celle de Jean COURCOL, qui va basculer
dans la roture. Or c’est de ce Jean que la totalité des
BAILLIENCOURT DIT COURCOL actuels descendent ! Il faut donc
l’examiner attentivement…
Jean COURCOL se marie avec Jeanne
de BEAUFFORT. Il aura notamment pour fils Philippe, né vers 1472,
marié à Jeanne GREGOIRE. Philippe ne semble pas avoir porté la
qualification d’écuyer. De leur mariage naissent Pierre COURCOL, en
1500, et Pasquier COURCOL, en 1520. Ces frères donnent eux-mêmes
naissance à deux branches qui vont parvenir jusqu’à nous.
Etudions-les maintenant successivement.
A) Branche de Pierre
COURCOL, né en 1500.
Pierre est lieutenant, c’est-à-dire une
modeste charge judiciaire. Il ne semble pas porter le qualificatif
d’écuyer. Autant d’éléments qui indiquent qu’il est manifestement
tombé dans la roture. De son mariage avec Hélène BRUYANT, Pierre
COURCOL va donner naissance à trois nouvelles branches.
a) La
première branche, la branche aînée, s’éteint dès 1615.
b) La
troisième branche, la branche benjamine, va donner Jean de
BAILLIENCOURT DIT COURCOL (1623-1691) qui se voit accorder par Louis
XIV une lettre patente le 17 décembre 1664.
Cette lettre
doit être ici explicitée. Il s’agit d’une lettre d’anoblissement «
en tant que de besoin » selon les termes mêmes du document. La
lettre d’anoblissement en tant que de besoin est une lettre « à
double visage » qui avait pour but, à la fois, de donner la noblesse
à celui qui l’obtenait s’il n’était pas déjà noble, et de la lui
confirmer s’il la possédait déjà. Le bénéficiaire de ce genre de
lettre pouvait donc l’interpréter soit comme un anoblissement
stricto sensu, soit comme une confirmation lato sensu de son
ancienne noblesse s’il arrivait à la prouver. Et ceci à partir de la
même lettre ! Mais tous les historiens s’accordent aujourd’hui à
dire qu’en réalité ce genre de lettres n’est pas une maintenue
réelle mais bel et bien un anoblissement. Pour masquer ce fait et
ménager les susceptibilités du nouveau noble, on le confirme, mais
comme il est douteux dans sa noblesse, on l’anoblit en tant que de
besoin…
Dans le cas de Jean, la lettre explique que celui-ci
« nous a très humblement remonstré qu’il provient de la noble maison
des COURCOL (mais pas des LANDAS/BAILLIENCOURT !!! NDLR) audit pays
d’Artois, mais que comme il est arrivé que les titres qui pourraient
justifier sa noblesse ont été perdus dans les guerres que ledit pays
a souffert en divers temps, il a besoin de nos lettres pour la lui
redonner ». Et il est en outre précisé que le Roi consent à lui
accorder cette lettre « en considération des services qu’ils nous a
rendus et au public, tant en la fonction de la place d’échevin de
notre ville d’Arras qu’il a remplie plusieurs fois qu’en toutes les
autres occasions qui s’en sont offertes ». Telle est donc la
véritable raison pour laquelle le Roi accorde cette lettre à Jean.
Ce n’est pas seulement parce qu’il descend d’une maison noble mais
c’est aussi et surtout pour SERVICES RENDUS qu’il est ainsi
récompensé. Autrement dit, sans ces services rendus, il n’aurait
jamais obtenu cette lettre. Cette lettre doit donc être interprétée
moins comme une lettre de confirmation que comme une lettre destinée
à récompenser des mérites, donc comme une lettre d’anoblissement.
Par ailleurs, il est clairement dit que cette lettre ne bénéficie
qu’à lui seul et à sa descendance directe (donc pas aux branches
cousines) et à condition de ne point déroger. Malheureusement, Jean
n’aura pas de descendant. Sa branche s’éteint donc en
1691.
c) Reste la deuxième branche, la branche cadette, celle
d’où sont issus certains des BAILLIENCOURT DIT COURCOL actuels. Elle
donne François (marié en 1579), écuyer au service du roi d’Espagne.
Son fils Charles (marié en 1599) est lui aussi qualifié d’écuyer. Il
semble donc que ces deux personnes se soient maintenues dans la
noblesse. Mais vient ensuite François (marié en 1632 et dcd en 1685)
qui ne porte pas le qualificatif d’écuyer. Il en sera de même pour
les quatre générations qui se succèdent ensuite jusqu’à la
Révolution. Aucun des ses représentants ne porte la qualification
d’écuyer. Certains exercent le métier manuel d’orfèvre (dérogeant).
De toute évidence, cette branche dès le milieu du 17ème siècle a
définitivement basculé dans la roture et n’en était toujours pas
ressorti quand survint la Révolution. On notera que les
représentants de cette branche n’ont pas bénéficié de lettres
patentes comme leur cousin Jean, ce qui semble bien indiquer que la
modeste situation sociale qui était devenue la leur aux 17ème et
18ème siècles ne leur permettait plus de demander cette faveur au
Roi. Enfin, aucun des représentants de cette branche n’a été
convoqué aux séances de la noblesse en vue des élections pour les
états généraux de 1789. Un argument de plus pour dire que cette
branche est bel bien devenue roturière.
B) Branche de
Pasquier COURCOL, né en 1520.
Pasquier a exercé la profession
de fermier au profit des abbesses d’Etrun à Magnicourt-sur-Canche
(62). Cette profession est clairement dérogeante, sans contestation
possible. Il est donc roturier. Il a trois fils : Philippe, Jean et
Charles.
a) La branche aînée, celle de Philippe (signalé
vivant en 1579), s’éteint en 1591.
b) La branche cadette,
issue de Jean (1548-1584), est celle d’où descendent 98% des
BAILLIENCOURT DIT COURCOL actuels. Jean est homme d’armes des
ordonnances du roi d’Espagne. Son fils Antoine (1575-1638) est
qualifié d’écuyer. Ils sont donc peut-être encore nobles. Mais après
eux et jusqu’à la Révolution, toutes les générations qui se
succèdent, au nombre de cinq et divisées en deux branches
principales, sont sans contestation possible définitivement
retombées dans la roture. Certains de leurs représentants sont
simples lieutenants ou baillis, de modestes charges devenues
purement honorifiques aux 17ème et 18ème siècles, contrairement aux
14ème et 15ème siècles où ces charges avaient encore une certaine
importance. Mais surtout, ils exercent presque tous en parallèle le
métier de FERMIER, une activité éminemment dérogeante. Quelques uns
sont marchands de draps (métier dérogeant), un autre notaire (métier
dérogeant). Aucun de leurs représentants n’a obtenu de lettres
d’anoblissement, de maintenue ou de confirmation. Aucun d’entre eux
ne se dit écuyer à l’exception d’un seul (voir ci-après). Et aucun
d’entre eux n’a été convoqué aux assemblées de la noblesse en vue
des élections aux états généraux de 1789. L’affaire est donc
entendue. Les BAILLIENCOURT DIT COURCOL issus de Jean COURCOL ont
tous fini par déroger dès le milieu du 17ème siècle, ont perdu leur
noblesse et sont restés dans la roture jusqu’à la Révolution ! Il
y a le cas particulier de Jérôme (1648-1712) qu’il faut tout de même
signaler. Celui-ci a été lieutenant de Magnicourt-sur-Canche. Or sur
sa pierre tombale il est qualifié d’écuyer. Serait-il donc noble ?
Pourtant, il n’exerce qu’une modeste charge judiciaire de lieutenant
de bailliage. Il s’agit très vraisemblablement d’une usurpation de
titre. En effet, sous l’Ancien Régime, et bien que cela soit
interdit et punissable, nombre de bourgeois se sont parés de la
qualité d’écuyer en vue de se faire passer pour noble. La fausse
noblesse ne date pas d’aujourd’hui ! Dans le cas de Jérôme, c’est
plus que probable, d’autant qu’il ne risquait guère d’être poursuivi
et condamné puisqu’il était mort ! Il n’avait en effet rien à perdre
à faire graver sur sa pierre tombale la qualification d’écuyer. En
outre, il faut tout de même rappeler qu’une tombe est un monument
purement privé, qui n’a aucun caractère officiel. On peut y faire
graver ce que l’on veut dessus, cela ne constitue nullement une
preuve selon le droit nobiliaire qui exige uniquement des actes
officiels et non privés. Seule la qualification d’écuyer sur des
actes officiels, sur des documents légaux (registres paroissiaux,
documents fiscaux, actes notariés, etc.) peut éventuellement
constituer une présomption de noblesse. Nous disons bien présomption
et non pas preuve car il est arrivé que des bourgeois réussissent
malgré tout à faire inscrire sur des actes officiels la
qualification d’écuyer. L’ANF, dans son infinie sagesse, ne s’y
trompe pas : elle refuse les dossiers des familles postulantes qui
ne présentent comme « preuve » qu’une simple qualification d’écuyer
sur un acte de décès par exemple. De toute façon, cela est
finalement assez secondaire puisque les fils, petits-fils et
arrière-petits-fils de Jérôme n’utilisent plus la qualité d’écuyer
après lui. Donc le problème est réglé.
c) La branche
benjamine issue de Charles tombe tout de suite dans la roture. Son
fils Jean (dcd en 1648) et son petit-fils Philippe (dcd en 1663)
sont tous deux notaires (métier dérogeant). Ils ne sont donc plus
nobles. Un arrière petit-fils, Philippe (dcd en 1714) est également
notaire, tandis que deux autres arrières petits-fils, tombent
carrément dans le peuple en devenant marchand pour l’un et laboureur
pour l’autre. Un arrière arrière petit-fils est sergent-garde de
bois, un autre est procureur de bailliage (dérogeant). Trois autres
encore sont cabaretier, cordonnier, peigneur de laine... Absolument
aucun des représentants de cette branche benjamine ne se dit écuyer.
A la veille de la Révolution, cette branche est clairement du
peuple. Comme il se doit, aucun ne participe aux assemblées de la
noblesse de 1789. Cette branche au final s’éteint définitivement en
1855.
10°) Qu’en est-il de la coutume d’Artois
?
Avant d’expliquer ce qu’est la coutume d’Artois, il faut
revenir un instant sur le problème de la dérogeance. Nous avons vu
précédemment de quoi il s’agissait : sous l’Ancien Régime, tout
noble pratiquant une activité professionnelle indigne de son rang
retombait immédiatement dans la roture. Mais cette dérogeance
était-elle irréversible ?
En fait, lorsque le noble tombait
en roture pour cause de dérogeance, cette déchéance était considérée
comme définitive. Même s’il retrouvait quelque temps après une
aisance financière lui permettant de nouveau de vivre sans
travailler, il ne retrouvait pas sa noblesse. Cependant, si cette
dérogeance intervenait après la naissance de ses descendants,
ceux-ci restaient nobles. Mais si cette déchéance intervenait avant
la naissance de ses descendants, ceux-ci étaient eux-mêmes
roturiers. Dans ce cas, il existait une ultime possibilité : celle
consistant à demander au Roi la faveur d’une lettre de «
réhabilitation » ou de « relief ». Le Roi pouvait accorder cette
lettre après examen de la situation du demandeur. Parfois il
l’accordait, parfois non. C’était selon son bon vouloir. Pour faire
une demande de relief ou de réhabilitation, le délai était de 100
ans. C’est-à-dire que les descendants du noble dérogé pouvaient
faire une demande de relief et espérer retrouver pour eux-mêmes la
noblesse de leur père ou de leur grand-père. Mais au-delà de 100
ans, la noblesse était définitivement irrécupérable. Dans le cas où
la demande de relief était rejetée par le Roi ou si le délai de 100
ans était dépassé, les descendants du noble dérogé n’avaient pas
d’autres solutions que de faire comme n’importe quel roturier
voulant devenir noble : acheter une charge anoblissante ou obtenir
une lettre d’anoblissement pour services rendus. Sinon, ils
restaient roturiers. Telle était la règle, particulièrement rigide,
dans le royaume de France au 18ème siècle.
Mais certaines
provinces, telles la Bretagne, bénéficiaient de privilèges. C’était
aussi le cas de l’Artois. Une coutume voulait qu’un noble qui
dérogeait perde ses privilèges de noble (exemptions fiscales, port
de l’épée, emplois réservés dans l’armée, etc.) mais que cette
situation soit seulement transitoire et non définitive. Sa noblesse
« dormait ». Si sa situation financière s’améliorait de nouveau, lui
permettant de vivre noblement sans travailler, il retrouvait
automatiquement son rang de noble et ses privilèges de noblesse. Il
n’avait donc pas besoin de demander des lettres de relief au
Roi. De même pour ses descendants. Si un père dérogeait et ne
réussissait pas à retrouver ses privilèges de noblesse avant sa
mort, cela ne remettait pas en cause son pouvoir de transmettre à
ses fils la possibilité de jouir des privilèges de la noblesse, à
condition bien sûr de ne pas eux-mêmes déroger. La noblesse pouvait
donc faire un saut de génération ! Comme on le voit, l’Artois
bénéficiait d’un régime particulièrement souple comparé au reste du
royaume…
Le problème c’est que certains représentants actuels
de la famille BAILLIENCOURT DIT COURCOL ont une interprétation très
extensive de cette coutume. Ils affirment que lorsqu’un noble
d’Artois dérogeait, il perdait certes ses privilèges de noble mais
il restait quand même pleinement noble ! (Voir par exemple le
message de Guy, du 28 mai 2005). Or cette interprétation est
absurde... Comment imaginer qu’une personne qui a dérogé,
c’est-à-dire qui mène une vie indigne d’un noble, puisse malgré tout
rester noble ? Comment imaginer qu’un noble devenu clochard et
mendiant puisse toujours être considéré comme noble ? C’est
évidemment impossible puisque sous l’Ancien Régime, par définition,
être noble ce n’est pas seulement jouir de certains privilèges
(fiscaux, judiciaires, etc.) c’est aussi avoir un genre de vie
digne. En réalité, un noble d’Artois réduit à la misère perdait non
seulement ses privilèges, mais sa noblesse personnelle était
elle-même mise entre parenthèses, il était donc roturier. Et ceci
jusqu’à ce que le dérogé retrouve un mode de vie compatible avec
celui de la noblesse. Cette noblesse ainsi mise entre parenthèses
restait cependant transmissible à la descendance du dérogé. C’est
ainsi que la coutume d’Artois doit être comprise.
Les
BAILLIENCOURT DIT COURCOL ont largement bénéficié de cette coutume.
Par exemple Pasquier COURCOL (né en 1520) exerçait le métier de
fermier. Il avait donc dérogé et était tombé en roture. Mais son
fils et son petit-fils, Jean et Antoine, étaient apparemment nobles.
Donc malgré la rupture représentée par Pasquier, cela n’a pas
empêché son fils et son petit-fils d’être nobles. Conformément à la
coutume d’Artois.
Mais ensuite aux 17ème et 18ème siècles,
les générations suivantes, qui sont parvenues jusqu’à nous, ont
toutes été indubitablement en dérogeance. Et cela a duré pendant
près de 150 ans jusqu'à la Révolution, sans discontinuer ! Non
seulement elles ont perdu leurs privilèges de nobles mais elles ont
aussi perdu leur noblesse. Leurs représentants n’étaient pas nobles
et cela se vérifie dans le fait qu’aucun d’entre eux n’a été
convoqué aux assemblées de la noblesse en 1789. Aux yeux de
l’administration de l’Artois de 1789, être dérogé signifiait donc
bien ne plus avoir de privilèges mais aussi ne plus être noble et
donc ne plus avoir le droit de siéger dans les assemblées de nobles.
Contrairement à ce qu’affirment aujourd’hui certains BAILLIENCOURT
DIT COURCOL, leurs aïeux qui vivaient en 1789 avaient non seulement
perdu leurs privilèges de nobles mais ils avaient aussi perdu leur
noblesse tout court. Ils étaient roturiers au sens strict du terme.
Ils pouvaient certes à tout moment retrouver leur noblesse, comme
prévu par la coutume d’Artois, mais cela ne s’est malheureusement
pour eux jamais produit car jamais ils n’ont réussi à exercer une
activité professionnelle non dérogeante, et ceci depuis le 17ème
siècle jusqu’à la Révolution.
11°) Après la chute de
l’Empire napoléonien, Louis XVIII restaure la monarchie mais aussi
la noblesse. Les BAILLIENCOURT DIT COURCOL vivant en 1814 sont-ils
de ce fait à nouveau nobles ?
Rappelons que la Révolution de
1789 a aboli l’ordre de la noblesse ainsi que toutes les lois et
coutumes régissant son fonctionnement. « Plus aucun métier
n’emportera dérogeance » proclame-t-elle. La noblesse est
officiellement abolie le 23 juin 1790. Mais après la chute du 1er
Empire (1805-1814) se produit la Restauration de Louis XVIII.
Celui-ci restaure officiellement la noblesse en juin 1814. Cette
noblesse comprend d’une part les familles des titrés de l’Empire
(sous Napoléon la noblesse n’existait pas, il n’y avait que des
titres) et d’autre part les familles nobles d’Ancien Régime. Pour
cette dernière catégorie, seules les familles nobles et NON DEROGÉES
à la date précise du 23 juin 1790, retrouvent légalement leur rang
de noble à la date du 4 juin 1814 (du moins les familles qui ont
survécu à la Révolution…). Mais les BAILLIENCOURT DIT COURCOL, eux,
restent roturiers comme devant. Pourquoi ? Tout simplement parce
qu’ils étaient en dérogeance à la date du 23 juin 1790, donc
roturiers. En conséquence de quoi ils restent dans le même état de
roturiers en 1814. C’est la règle. Toute famille en dérogeance à la
date du 23 juin 1790 reste roturière après le 4 juin 1814.
Et l’invocation de la coutume d’Artois n’est plus ici
d’aucun secours. En effet, le principe de dérogeance, et donc
également les coutumes qui permettaient de s’en relever, comme la
coutume d’Artois, ont été définitivement supprimés par la
Révolution. Or si Louis XVIII restaure la noblesse d’Ancien Régime
en 1814, il ne restaure pas pour autant le principe de dérogeance.
Et donc, il ne restaure pas non plus les coutumes qui permettaient
de s’en relever, comme la coutume d’Artois. Autrement dit la coutume
d’Artois, abolie en 1789, reste abolie en 1814. Pour les
BAILLIENCOURT DIT COURCOL cela est absolument dramatique car cela
signifie qu’ils sont désormais définitivement roturiers. Ils ne
peuvent plus se prévaloir d’une coutume d’Artois qui est
définitivement caduque. Roturiers au 23 juin 1790, ils restent
définitivement roturiers après le 4 juin 1814 lorsque la noblesse
est officiellement restaurée en France.
Précisons qu’à partir
de 1814, les familles nobles d’Ancien Régime peuvent désormais
exercer n’importe qu’elle profession, même les plus viles, sans
risquer de déroger, contrairement à la période d’avant 1789. Les
BAILLIENCOURT DIT COURCOL ne peuvent bénéficier de cette nouvelle
tolérance car ils étaient déjà roturiers en 1789, donc toujours
roturiers en 1814, et qu’ils seront toujours considérés comme tels
par la Restauration (1814-1830), la Monarchie de Juillet (1830-1840)
et le Second Empire (1852-1870).
Pour preuve, le cas du
général de division Jérôme de BAILLIENCOURT DIT COURCOL (1808-1869)
qui voulut porter le titre de comte, celui que l’Empereur Charles VI
avait conféré en 1721 à Charles François BAILLIENCOURT DIT COURCOL
(1670-1736) … Le général n’était pas le descendant direct de Charles
François. Donc théoriquement il ne pouvait porter ce titre. A moins
de demander une autorisation auprès de Napoléon III. Or il se trouve
justement que le Second Empire a très souvent accordé l’autorisation
à des collatéraux (frères, cousins, neveux, gendres, etc.) le droit
de relever et de porter le titre d’une personne dont ils n’étaient
pas les descendants directs. Le général avait donc, en théorie, une
chance de recevoir cette autorisation. C’est pourquoi il a fait une
demande en décembre 1860. Mais le Conseil du Sceau, dans un avis
rendu le 1er juillet 1861, lui a interdit formellement de porter ce
titre ! La raison officiellement invoquée est que ce titre de comte
avait été conféré par l’Empereur Charles VI donc par un souverain
étranger. C’est oublier qu’il existe des cas de familles qui se sont
vu confirmer par Napoléon III des titres étrangers (exemple : la
famille de Bouvet). En réalité, le général de BAILLIENCOURT DIT
COURCOL a été « retoqué » par le Conseil du Sceau tout simplement
parce qu’il n’était pas considéré comme noble. S’il avait été
considéré comme tel, il aurait très certainement pu relever le
titre.
Précisons que malgré l’interdiction du Conseil du
Sceau, certains représentants de la famille BAILLIENCOURT DIT
COURCOL ont continué à porter le titre de comte… En toute
usurpation.
12°) En résumé que faut-il retenir de
tout ce qui a été dit ?
- Que les BAILLIENCOURT DIT COURCOL
ne sont pas les descendants des LANDAS/BAILLIENCOURT.
- Que
les BAILLIENCOURT DIT COURCOL n’ont fait que relever les armes et le
cri d’armes des LANDAS/BAILLIENCOURT, après avoir racheté l’une de
leurs anciennes seigneuries dans la seconde moitié du 14ème
siècle.
- Que les BAILLIENCOURT DIT COURCOL se sont appelés
initialement COURCOL tout court. Ce n’était pas là un surnom mais
bien leur patronyme originel.
- Que les BAILLIENCOURT DIT
COURCOL ont inventé une légende, celle de la bataille de 1419, pour
transformer leur vrai patronyme en un simple surnom et pour ainsi
mieux accréditer l’idée qu’ils étaient les descendants des
LANDAS/BAILLIENCOURT.
- Que les BAILLIENCOURT DIT COURCOL ne
sont entrés dans la noblesse que par agrégation au cours du 16ème
siècle.
- Que certaines branches des BAILLIENCOURT DIT
COURCOL ont effectivement réussi à se maintenir dans la noblesse
mais qu’elles se sont finalement toutes éteintes dans les
mâles.
- Que les deux seules branches qui soient parvenues
jusqu’à nous, celle de Pierre (1500) et Pasquier (1520), sont
justement celles qui sont tombées en dérogeance dès le 17ème siècle,
c’est-à-dire dans la roture.
- Que les BAILLIENCOURT DIT
COURCOL étaient toujours roturiers en 1789 et qu’ils le sont restés
après 1814 quand la noblesse d’Ancien Régime a été restaurée par
Louis XVIII.
- Que la coutume d’Artois, selon le droit
nobiliaire de 1814, est restée caduque après avoir été abolie par la
Révolution.
- Que le refus de l’ANF de laisser entrer les
BAILLIENCOURT DIT COURCOL dans cette noble et prestigieuse
association est, selon le droit nobiliaire et la vérité historique,
parfaitement fondé et légitime.
- Que les BAILLIENCOURT DIT
COURCOL, s’ils continuaient aujourd’hui à se prétendre nobles, se
rendraient coupables d’usurpation de noblesse.
- Que telle
est la stricte vérité, tout le reste n’étant que
littérature.
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